De nos jours, on pourrait penser (à tord) que les enfants sont très à l’aise avec le numérique puisqu’ils sont nés et grandissent avec. Or, lors de mes stages aussi bien en primaire qu’en secondaire, j'ai pu constater le contraire. Certes les élèves du secondaire connaissent et utilisent Facebook (depuis leurs smartphones) mais mis à part cela ils sont bien loin de maitriser les subtilités du numérique comme le traitement de texte par exemple (j’ai déjà dû montrer et renseigner un élève de 4e sur comment faire un « é » ou encore ou encore un « ï »). Les usages hors école et ceux au sein de l'école sont bien différents d'où ce contraste.
Assurément, tous les usages réalisés en classe sont d’abord faits afin de respecter les programmes de 2015. En effet, on mentionne l’usage du numérique à plusieurs reprises et dans toutes les disciplines. De plus, les compétences numériques des élèves sont évaluées dans le cadre du socle commun de connaissances, compétences et de culture conformément au livret scolaire unique (LSU) notamment dans le domaine 1 avec « les langages mathématiques, scientifiques et informatiques » et dans le domaine 2, « les méthodes et outils pour apprendre ». Une autre raison qui motive les enseignants (plus spécifiquement ceux du cycle 3) à utiliser l’outil informatique est la validation du B2i (brevet informatique et internet).
En référence au Bulletin Officiel du 23 novembre 2000, le B2i n’est pas un examen mais une attestation des compétences organisée autour de cinq domaines. Il comporte trois niveaux qui s’étendent de l’école primaire au lycée.
Domaine 1 : S’approprier un environnement informatique de travail.
Domaine 2 : Adopter une attitude responsable
Domaine 3 : Créer, produire, traiter, exploiter des données.
Domaine 4 : S’informer, se documenter.
Domaine 5 : Communiquer, échanger.¹
Cependant, le B2i tend à disparaitre ces dernières années. « Un projet public de plateforme en ligne (PIX) d'évaluation et de certification des compétences numériques est en cours de développement » (service-public.fr)². Ce projet de « cadre de référence des compétences numériques » illustre la place privilégiée qui est attribuée au numérique dans les nouveaux programmes et le socle commun.
Les enseignants soulignent également la facilité d’utilisation, le gain de temps considérable, le développement des savoirs-faire des élèves et le lien école/maison facilité par l’outil.
Comme les usages sont divers selon les différents cycles, j’organiserai mes propos autour de ces derniers.
Le cycle 1
Concernant le cycle 1, quelques achats de logiciels éducatifs ont été réalisés. Ils permettent aux élèves d’être autonomes et sont donc évidemment utilisés régulièrement. Autrement, tous les autres logiciels utilisés sont gratuits. Ils utilisent pas exemple Libreoffice pour le traitement de texte.
Voici quelques exemples concrets qui sont réalisés en classe de GS-CP :
- Applications de jeux (le plus souvent en français, mathématiques) : les enfants écoutent seuls une vidéo puis à l’aide du stylet et du VPI, les enfants écrivent directement ce qui leur est demandé au tableau.
- Jeux en ligne : pour la discipline « découverte du monde ».
- CD rom : plus besoin de cartes pour travailler la phonologie. Les enfants vont directement mettre les sons dans des boites virtuelles au tableau.
- Compréhension orale : l’enseignante enregistre sur son propre téléphone portable ce qu’elle souhaite faire écouter aux enfants. A l’aide de casques, jusqu’à cinq élèves peuvent écouter la piste de manière simultanée. Les enfants peuvent échanger entre eux sur ce qu’ils ont compris ou non, ils gèrent eux-mêmes et coopèrent (par exemple, ils réécoutent si besoin un passage).
Ces exemples soulignent selon moi plusieurs points importants. La volonté de rendre les enfants plus autonomes et cela dès leur plus jeune âge. Le souhait de dynamiser une séance en rendant les élèves acteurs de leurs apprentissages (ils manipulent et se déplacent) et en changeant les modalités (ce qui permet également d’exploiter différentes formes d’intelligences et profils cognitifs ainsi que de favoriser la mémorisation par d’autres moyens que ceux traditionnellement utilisés). Cela tout en continuant à transmettre des valeurs nécessaires au vivre ensemble.
Par curiosité, j’ai cherché à savoir s’il existait des décalages entre les préconisations des programmes au cycle 1 et ce qui est observable sur le terrain. Un point en particulier à retenu mon attention, « copier avec un clavier ». J’avais quelques difficultés à visualiser un enfant de cycle 1 taper sur un clavier alors qu’ils ne savent encore ni lire, ni écrire. Effectivement, il s’avère que cela peut être abordé en fin de CP mais reste plus de la découverte de l’outils dans le cadre de jeux et cela tout au long du cycle 2.
Néanmoins, on ne développe pas seulement l’autonomie de l’élève au sein d’activité mais également au niveau du matériel lui-même. Ils apprennent par exemple à éteindre et allumer un ordinateur ce qui est loin d’être évident et facile pour tous avant l’entrée en CP.
Au cycle 2 et 3, de manière assez surprenante, les enseignants de l’école n’utilisent pas ou très peu le stylet et donc le côté interactif des VPI. Les outils numériques sont par contre utilisés tous les jours sans exception (par le professeur, les élèves ou les deux). Diffuser du contenu aux élèves pour illustrer un nouveau mot vu en classe par exemple, projeter les fiches d’activités pour les corrections… Autant de manières d'utiliser le numérique en classe qui permettent un support visuel non négligeable aux élèves (facilite le repérage dans l’espace). L’utilisation des ordinateurs se fait beaucoup en autonomie puisque c’est la compétence que l’on cherche à developper chez l’élève, elle est parfois guidée mais est toujours extrêmement surveillée. Mais comme l’informatique « ne s’invente pas », cela demande un travail d’anticipation de la part des enseignants. Une séance complète de 30-40 min peut être consacrée à la démonstration/découverte des outils soit par l’enseignant lui-même soit par des élèves tuteurs afin de donner des consignes rigoureuses aux élèves, faciliter la future prise en main et souligner le but de l’activité. Ainsi on pourrait se demander si le numérique développe réellement l’autonomie des élèves ou s’il ne faut pas que les élèves soient en fait déjà plus ou moins autonomes avant l’utilisation de ces outils afin d’assurer le bon fonctionnement des ateliers. Le numérique permettrait alors simplement d’entretenir cette autonomie en permettant aux élèves de coopérer entre-eux ou d’agir par eux-même sans l’intervention d’une personne extérieure.³
Certains ateliers pour travailler le numérique sont réalisés de manière isolée (sur le temps d’APC par exemple) mais les enseignants essayent au maximum de les incorporer à des séances en croisant les apprentissages. Certaines disciplines s’y prêtent plus facilement que d’autres, comme les sciences, l’histoire/géographie, le français…
Voici quelques exemples d’activités produites :
- Utilisation de plan de travail numérique en ligne (classe-numérique.fr). L’enseignant personnalise en choisissant les notions à travailler chaque semaine. Il peut adapter la difficulté, la correction est plus rapide et peut même se faire de manière autonome pour l’élève. On sait beaucoup plus rapidement ce qui a besoin d’être retravaillé grâce au pourcentage de réussite.
- Le logiciel « Mobiclic » est très souvent utilisé en sciences et en histoire. J’ai notamment pu observer des séances en sciences où les élèves travaillaient sur le système solaire. Ils lançaient seuls le logiciel et cherchaient les informations cachées sur le logiciel afin de compléter une fiche guidant le travail à réaliser (pour que l’élève ne s’égare pas).
- Info-documentation : les élèves font des recherches documentaires. Des activités en sciences soulignent l’importance de taper le bon mot-clé dans la barre de recherche d’un moteur de recherche (pas d’utilisation d’un moteur de recherche simplifié/adapté aux plus jeunes) pour travailler efficacement et trouver rapidement l’information voulue.
- Libreoffice est beaucoup utilisé pour travailler la mise en page et le traitement de texte. Un exemple d’activité demandée : écrire le texte d’un album sans texte (La vague de Suzy Lee). L’objectif d’une activité « traitement de texte » peut être aussi tout simplement la saisie d’un texte (projet d’écriture) afin de l’embellir et de le mettre en valeur.
- Initiation au montage vidéo, diaporama (format un peu moins traditionnel que le simple traitement de texte et assez complexe à mes yeux) : Il y a deux ans, les élèves ont réalisé le bêtisier d’un reportage vidéo fait suite à un voyage scolaire au Puy du Fou. Ils ont également créé des diaporamas pour d’autres occasions. Cette année, un élève créera un diaporama avec des liens interactifs.
- Beaucoup de sites sont utilisés à titre de logiciels éducatifs dans le cadre de soutien scolaire divers et varié ou en français dans le cadre d’ateliers de lecture par exemple (http://www.logicieleducatif.fr : site pour effectuer des lectures flash). Les enfants doivent retranscrire un mot apparu plus ou moins rapidement en fonction du niveau choisi. Un travail de visualisation puis mémorisation est donc effectué.
Aucun projet particulier qui nécessitait le numérique ou autour du numérique n’a vu le jour pour le moment mais l’idée n’est pas exclue (il n’a jamais été le thème principal de l’école). Il n’y a donc pas de personnes ressources (pas d’enseignant qui décloisonne ou l’intervention d’un professeur spécialisé dans l’informatique) en particulier mis à part le chef-d’établissement et un enseignant de cycle 3. Ces derniers ne maîtrisent pas les mêmes compétences ce qui leur permet de se compléter et d’aider leurs collègues si besoin, bien que tous maîtrisent plutôt bien le numérique.
Usage administratif
Evidemment le statut de chef d’établissement sous-entend énormément de papiers administratifs à remplir régulièrement… Contrairement à ce que l’on pourrait penser (par souci de respect de l’environnement et de praticité), il n’y a plus aucune circulaire papier. Cependant avec le ministère de l’éducation tout se fait en ligne sur des applications, aucun logiciel particulier n’est donc obligatoire. Mais cela demande inévitablement de maîtriser l’outil informatique. Pour illustrer ce propos, l’ancien chef de l’établissement a choisi de renoncer à la direction parce qu’il n’arrivait plus à suivre sur ce point, il dépendait constamment de l’aide de quelqu’un.
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¹ Perrot F., Jeanne D., Robillard F. (2012). Pour une école primaire numérique. Caen. Scérén, CRDP de l’académie de Caen. p. 130-133.
² Direction de l'information légale et administrative. (novembre 2017). Brevet informatique et internet (B2i). [En ligne]. Consulté la dernière fois le 17/12/17. Url : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F19608.
³ Amadieu F., Tricot A. (2014). Apprendre avec le numérique, mythes et réalités. Paris. Retz. p. 25-33.
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